L E S E F F A C É S
L E S E F F A C É S
SANDRA
RICHARD
A L ' O M B R E D E T E S C R E U X
( I & II )
À l’ombre de tes creux (I), 2022
Découpe à la main, papier Fabriano, 150 x 160 cm
" Cette dentelle de papier raffinée fait référence à une œuvre réalisée en métropole Lilloise lors d’une résidence de création dans le cadre du programme Regards d’Artistes sur l’Urbanisme en 2021. Lors de ses déambulations dans le quartier de l’Union, vaste chantier de réhabilitation urbaine marqué par l’émergence d’un parc urbain se déployant le long du Canal de Roubaix et ponctué de retenues d’eau favorisant la résilience d’une flore locale, l’artiste intégra à sa démarche des éléments graphiques directement inspirés des végétaux. Ici, c’est une vue microscopique en coupe d’une plante qui initiera le désir d’une transposition à plus large échelle. Les techniques optoélectroniques permettent de fouiller l’infiniment petit tout comme l’infiniment grand et de rapprocher l’œil humain de ce qui se soustrait usuellement à son acuité. Elles nous plongent alors dans un univers formel à mille lieues de notre quotidien sensible, de notre environnement. Pour autant, ces formes dissimulées au plus profond de la matière agrippent notre regard qui s'enchante devant la complexité structurelle d’un petit rien, qui autrement aurait à peine retenu notre attention. Ce qui nous entoure est malheureusement souvent relégué au seuil liminal de notre perception, s’effaçant dans l’habitude de nos faits et gestes. Nos routines s’inscrivent malgré nous peut-être dans chacune de nos attentions, de nos intentions, nous contraignent à ne pas voir, à ne pas regarder. On oublie benoitement que bien des merveilles sont foulées quotidiennement, que nous traçons nos routes au dépend de la plus élémentaire contemplation. Il faut probablement alors convoquer notre âme enfantine, si elle n’est pas trop chétive, asséchée, réduite comme peau de chagrin, pour se laisser aller devant l’inconnu, pour lâcher prise et écarquiller les yeux devant une petite chose qui est une gigantesque trouvaille. Il suffit alors de laisser le fantastique reprendre sa place et avec lui, les mondes engloutis refaire surface, jusqu’à submerger un réel que l’on croit à tort, englué dans un état solide, figé.
À l’ombre de tes creux questionne notre regard et les voiles qui s’y déposent. On pensera immanquablement à un Mandala, pourquoi pas un camouflage aussi, ou plus loin un vitrail d’une incroyable finesse, ou encore un aggloméra organique et minéral en mouvement, d’une extrême lenteur. Il se peut que différents écrins se cachent dans les jeux d’ombres provoqués par la lumière, dans une lutte gracieuse entre matériel et immatériel, où pointent des notes érotiques, et se dévoilant fugace et se rétractant dans le même temps, comme pour nous préserver de la vivacité d’un éclat. "
Pascal Marquilly (2022)